Mais qui est le Dieu de Légaut? Dés 1937, à la première page de la condition chrétienne, il en parle comme de celui qui "est secrètement entré dans ma vie comme le visiteur inconnu et le solliciteur silencieux". Pour lui, "Dieu est encore plus inconnu que le Monde". Il est "l'ineffable", "l'impensable et le tout autre". "Nous ne savons de science certaine sur Dieu que ce qu'Il n'est pas". Il n'est ni la cause première des philosophes, ni le Dieu des croyances primitives et enfantines. Pour Légaut, c'est de l'animisme que de le réduire "à n'être que le fabricant, l'organisateur, le gouverneur du Monde". Or "le concept animiste qui fait de Dieu la cause des choses, est condamné à disparaître, contesté toujours davantage par les sciences".

Le Dieu de Légaut est celui qui est "présent au plus intime (des hommes) et qui, sans être proprement cause, agit non pas sur mais en leurs actions les plus personnelles". Il est "mon Dieu". Il "se manifeste par une action en nous qui déborde de beaucoup la prise de conscience que nous pouvons avoir de nous-même". C'est "le Réel" avec majuscule qu'on ne rejoint qu'à travers soi-même. Légaut cite un mot de Paul Valéry: Dieu se trouve "dans l'imminence de l'imminence". "Il est plus dans celui qui devient que dans ce qui est". Si bien que l'être humain est "le centre actif du devenir possible de Dieu".

Seule la prière peut vraiment le désigner et c'est pourquoi le texte le plus explicite de Légaut sur Dieu est une prière: "Dieu, ..."

Légaut aime désigner Dieu comme "Acte pur", ou plus précisément "Acte en acte", c'est-à-dire celui qui agit à l'arrière-plan de l'action humaine, qui prend sens à travers l'homme, qui "se déploie" dans le secret du coeur. Il se donne personnellement à l'homme et dés lors, il devient acte dans l'histoire par l'homme, il est le sous-entendu de notre authenticité et de notre fidélité. Mais dès lors, Il existe par l'homme. Celui-ci participe à l'être même de Dieu car il est "non seulement par Lui, mais de Lui, en Lui". Il se passe entre l'être humain et Dieu ce qui s'est passé entre Jésus et Dieu.

Bruno Chenu, Lyon, 11 Novembre 2000,

Les références des citations mise en valeur colorée sont sur l'article de  Bruno Chenu,
in Actes du Colloque international Marcel Légaut, Ed. ACML 2001, p. 158-161.

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