"Méditation pour la veillée de Noël"
de Marcel Légaut

 

 

 

Pourquoi ne pas l'avouer ? Quand je lis les Evangiles de l'enfance ...,et que je porte de façon suffisante la conscience de la vénérable ancienneté de ces textes, de la sagesse qu'ils ont promus à travers les âges, je suis pénétré d'une piété émue à la pensée de ces scènes merveilleuses qui furent le trésor de tant de générations chrétiennes.

 

 

C'est dans des sentiments religieux obscurément mais fortement vécus, que jadis, chaque année, au pays de mes ancètres, pendant la veillée de Noël, la famille, rassemblée à la pauvre lueur des flammes du foyer, attendait minuit et les trois messes célébrées dans l'église du lieu éclairée de toutes ses lumières. Ce soir-là, jeunes et vieux se rendaient réel, en le revivant ensemble, un évènement construit à la mesure des possibilités de leur imagination et à celle de leur besoin d'émerveillement.

 

 

"Jésus,
par le souvenir vivant

que nous cultivons de vous,
grâce à vous,
et qui est aussi présence de vous en nous
inséparable de celle de nous en vous,
comme je dois oser l'affirmer,
montrez nous le chemin de vie

qui nous est propre,
faites nous progresser vers le sommet
qui se dessine à notre horizon pour que,
étrangers à quelque passéisme que ce soit,
et nous affranchissant du temps,
nous nous approchions,
par delà toutes distances,
de celui que vous fûtes et que vous êtes...,
vous,
qu'une fondamentale attente
pousse encore les hommes à entrevoir
à travers le meilleur d'eux-mêmes
quand l'heure en est sonnée."

 

 

..., quand l'homme est fasciné par ce "surnaturel"..., qui de la sorte lui impose une conception purement matérielle de la vie spirituelle au lieu d'en être à ses yeux un signe seulement contingent, il est conduit à éprouver des états émotionnels qui ne peuvent que lui donner le change sur ce que réellement il vit.
 

 

   En dépit de l'appareil théologique et miraculeux dont elles entourent la naissance de Jésus, ces traditions, conçues à la dimension du monde connu jadis, dissimulent à ce chrétien l'importance capitale de l'événement dans le devenir sans mesure du Réel, dont finalement l'histoire humaine n'est qu'une péripétie particulière où la conscience émerge. Elles l'empèchent de croire en Dieu autrement que par religiosité naturelle. Ne faut-il pas assurer, à la suite de Jésus, que seul l'homme qui a atteint à l'unité et à l'unicité de sa réalité spirituelle est image singulière de Dieu et dit Dieu sur cette terre ?
 

 

...l'appropriation du réel n'est pas faite par chacun à la mesure de ce qu'il est, mais comme on l'opère collectivement autour de lui. ... Aussi bien est-ce seulement après un travail patient et courageux de sape mené contre les imaginations à travers lesquelles jusqu'alors il a pensé le réel ... que l'homme, débouchant de la sorte de la forêt magique de ses rêves, est conduit, ... à s'ouvrir à la vie spirituelle et à en découvrir la véritable nature. ... l'homme intérieur, dans son autonomie et sa solitude singulière, commence à prendre force et à mûrir, car alors toutes ses puissances, mues intimement par Dieu, entrent peu à peu en action.
 

 

...En cette naissance ils sont conduits à contempler l'avènement capital dont, sous les humbles et précaires espèces d'une vie d'homme éphémère, limitée par les horizons de tous ordres de l'époque et du lieu, l'avenir a encore à découvrir l'universelle portée.
 

 

Marcel Légaut in Méditation d'un chrétien du XX° siécle

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